Aujourd'hui nous sommes heureux de vous présenter une jeune fille de 18 ans, Lucie, atteinte d'Albinisme Oculo-Cutané (AOC), qui réside à Hazebrouck dans le département du Nord. Elle s'est rapprochée de l'Association par mail en nous écrivant simplement "J'aimerai apporter mon aide..."
Nous avons été touché par cette démarche et même si la distance qui nous sépare empêchait, de fait, toute aide "physique", nous l'avons sollicité pour un témoignage: celui de son parcours de vie.
Nous la remercions une nouvelle fois pour cette confession touchante et pleine d'objectivité.
"Je m'appelle Lucie, je suis née le 21 Décembre 1999, j'ai donc 18ans. Je suis albinos oculo-cutané et personne d'autre dans ma famille n'à la maladie. J'ai eu la chance d'être resté dans un cursus scolaire normal, et je suis actuellement en BTS dans le nord de la France.
Je me suis toujours considéré comme les autres enfants avec quelques petites différences, que j'ai tendance à appeler des adaptations. Je les ai découvertes en grandissant, comme par exemple, en classe j'ai toujours été au premier rang, avec la présence d'une AVSI et ce, de la 5ème à la Terminale, avec un ordinateur pour taper mes cours, des PPS, des aménagements d’examens, et des polycopiés agrandis en A3. J'ai également testé le pupitre, la loupe, la règle avec de gros chiffres, une règle de lecture, le scanner, des cahiers avec des plus gros carreaux, mais je n’y ai pas adhéré.
Malgré ces contraintes, cela ne m'a pas empêché d'être heureuse ! Cela m’a même plutôt enrichi. En effet grâce à ma maladie, je n'ai pas peur de la différence et j'accepte les gens tel qui sont. Je dirais que j'ai eu une enfance tout à fait normale.
Aujourd'hui avec le recul, je trouve que mes parents m'ont élevé dans le déni de ma maladie. En effet je connaissais les contraintes et quelques petites choses sur l'albinisme, mais je ne savais pas vraiment ce qu’était la maladie en elle-même (qu'elle était génétique, qu’on a voulu me placer dans une école spécialisée, son nom exact, les recherches ...) Je l'ai découverte petit à petit depuis ma classe de troisième, lors d'un DS de SVT sur la génétique puis lors de recherches sur internet ... Peut-être aussi parce qu’auparavant ça ne m’intéressais pas forcement.
Comme pour toutes les maladies c'est un "combat".
Mes parents se sont battus pour que je reste dans un cursus scolaire normal, dans la mesure du possible. Cependant je pense que mon seul réel combat a été de faire comme tout le monde. C'est pour cela que je trouve important que mon entourage ne me considère pas comme une déficiente visuelle, mais d’égal à égal, avec mon frère et ma sœur ou encore les autres enfants. Je pense que les remarques des personnes extérieurs ne peuvent pas nous toucher, mais le regard de notre entourage et hyper important. Par exemple, je me souviens que dès que le soleil apparaissait, je devais immédiatement mette de la crème et mes lunettes de soleil. Quand j'étais petite il n'y avait pas de problème, mais durant mon adolescence je refusais. Je pense que je réagissais comme cela car je devais en mettre plus souvent que mon frère, ma sœur et mes cousin(e)s.
Pour me protéger du soleil, mes parents me mettais (en plus d’une tartine de crème solaire 50+), des maillots blancs en coton au-dessus de mon maillot de bain, ou un maillot de plongé lorsque nous étions à la plage. J’avais toujours un chapeau, une casquette. Et quand j’étais vraiment petite, ma mère évitait de m’exposer au soleil et je jouai sous la table pour éviter les rayons UV, j’avais également un parasol sur ma poussette.
J'ai mis longtemps à apprendre à marcher, mais j'ai appris à faire du vélo et à nager normalement. Par contre, j’ai eu du mal à m’adapter à mon AVSI. La première fois, j’ai eu 3 ans la même, ça a été compliqué pour moi dans le sens où je voulais être autonome, et que j’avais toujours su faire sans. Au bout de ces 3 ans, ma prof de chimie, est venu me dire qu’elle avait remarqué que j’acceptai enfin l’aide de mon AVSI. Suite à cette première expérience, dans les trois années suivantes, j’ai eu 3 AVS différentes. J’ai eu du mal à me réadapter et peut être un peu trop nostalgique de ma première AVS. Pourtant, la deuxième était géniale, mais j’étais trop nostalgique pour n’en apercevoir, la troisième ça n’a pas du tout collé, je trouvai qu’elle se prenait trop pour « ma maman » lorsqu’elle voulait que je lui récite mes leçons, alors que j’étais en première. Enfin avec la dernière, ça s’est superbement bien passé.
J’ai donc eu des aménagements d’examens pour mon brevet et mon bac (agrandissements, tiers temps, secrétaire ...). Par contre, j’ai passé le concours d’éducatrice de jeunes enfants et j’ai refusé d’avoir un aménagement, je voulais l’avoir par moi-même et que l’on reconnaisse cela. Je l’ai malheureusement raté pour 0,5 points mais je ne regrette pas, c’est le destin et au final mon BTS me plait bien.
J’ai aussi appris plus tard, qu’à l’école primaires, les parents d’autres enfants, avaient dit par jalousie lors d’une réunion parents-prof que « c'était toujours les mêmes enfants devant le tableau » …
Si je devais donner un conseil aux jeunes parents qui s'inquiètent pour leurs enfants, je leur dirais que leurs enfants sont normaux et que c'est ainsi qu'ils doivent les voir et les considérer. Je pense que le regard des autres est déjà injuste avec eux. Ils ne vont pas pouvoir forcément tout faire comme les autres enfants, et c'est normal de se préoccuper de leur avenir, autonomie ... Mais personne ne sait de quoi l'avenir est fait, et comment va évoluer leur maladie.
Le pire sentiment que j'ai ressenti, ce n’est pas d'être incapable de voir certaines choses, ou d'être physiquement différente, ni les remarques idiotes des autres qui ne n'ont jamais blessés (elles m’ont permis de repérer les imbéciles !), mais c'est le sentiment d'être considéré comme différente qui est horrible.
Par exemple lorsque mes professeurs me demandaient, devant toutes la classe, si je voulais un agrandissement, ou quand j'utilisai mon ordinateur le temps qu’ils ne fassent plus attention à moi, lorsque j'étais la seule à mettre mes lunettes de soleil, de la crème solaire, ou encore lors des repas... Avec mes proches également, lorsque mon entourage me demande si je vois la voiture blanche au loin, certainement pour imaginer ce que je suis capable de voir ou non… Étrangement c'est une question qu’on ne va pas poser aux autres, alors je n'y réponds pas !
Aujourd’hui, j’ai bien grandi et j’ai compris que ces « adaptations » étaient dans mon intérêt, alors je fais plus attention, et je commence à réclamer mes agrandissements. Malgré cela, j’ai aussi compris que c’est mon nystagmus qui rend mon problème de vue visible. Et je m’en rends compte notamment lorsque je parle avec des personnes que je ne connais pas bien, j’essaye de le masquer en évitant leur regard, et je suis vraiment mal à l’aise. Maintenant, je ressens lorsqu’une personne est perturbé par mes yeux. Cependant avec d’autres personnes que je connais bien, je n’y prête plus attention.
A mes 4 ans j'avais 2,5/10 et 3/10 d’acuité visuelle et à mes 7 ans on a affirmé à mes parents que je ne pourrais pas passer mon permis de conduire. Je me suis donc intéressé aux autres possibilités, comme la voiture sans permis. Mais depuis l'année dernière ma vue est à un petit 6/10. Et donc j'ai passé la barre des 5/10 réglementaires pour passer mon permis de conduire. J’ai mis longtemps à passer mon code, car je savais que j’étais un danger pour les autres, et je m’en sentais incapable.
Aujourd'hui en voyant mon père confiant lorsque je roule en conduite accompagné, j'ai découvert qu'il ne fait aucune différence entre mon frère et moi. J’ai été énormément touché, le fait qu’il me sente capable me rassure. J’avais toujours eu le sentiment que ma maladie le désintéressait, mais j’ai découvert qu’il n'a jamais su comment réagir, alors que ma mère n'arrive toujours pas à admettre que je puisse conduire aujourd’hui, alors qu’on lui a si souvent affirmé que cela n’arriverai pas…"
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